Comment répondre à « Pourquoi ce poste ? » en entretien
Comment répondre à « Pourquoi ce poste ? » en entretien
Vous savez que cette question difficile va tomber.
Toujours avec le même emballage poli :
« Alors, pourquoi vous voulez ce poste ? »
Vous avez déjà la tentation réflexe : aligner une phrase propre, vaguement inspirée d’un modèle vu en ligne.
« Je suis très motivé par votre entreprise, vos valeurs me parlent, j’aime les challenges. »
Vous savez que c’est vide.
Eux aussi.
Cet article n’est pas une fabrique de punchlines pour entretien.
C’est une méthode pour construire une réponse qui soit :
- stratégiquement recevable pour le recruteur,
- psychologiquement tenable pour vous.
Sans vous faire passer pour quelqu’un que vous n’êtes pas.

1. La structure de base pour répondre à « Pourquoi ce poste ? »
On commence par la mécanique, sans psychologie ni grand discours. Une réponse solide à « Pourquoi ce poste ? » tient en quatre briques :
-
D’où vous venez
Votre trajectoire, ce que vous avez fait, ce que ça a construit chez vous. -
Vers quoi vous allez
Ce que vous cherchez à vivre maintenant de différent : en termes de missions, de contexte, de rythme. -
Pourquoi ici
En quoi ce poste et cette entreprise sont un point de rencontre crédible entre 1 et 2. -
Et après ?
Comment vous vous projetez à moyen terme dans ce rôle (sans fantasmer un plan de carrière en 3 slides).
Formulé sobrement, ça peut donner :
« Jusqu’ici, j’ai surtout…
Aujourd’hui, je cherche à…
Ce poste m’intéresse parce que…
Et à moyen terme, je me vois… »
Ça, c’est la colonne vertébrale.
Mais sans un peu d’honnêteté sur vos motivations réelles, la structure devient une coquille. On va donc ouvrir le capot.
2. Pourquoi les recruteurs posent la question « Pourquoi ce poste ? »
Spoiler : on ne la pose pas pour entendre votre amour du challenge.
Ce que la personne en face cherche à évaluer, ce n’est pas votre capacité à jouer au candidat idéal. C’est :
- Votre capacité à vous situer : est-ce que ce choix est un mouvement cohérent ou un tirage au sort ?
- Votre lucidité : est-ce que vous savez ce que vous quittez et ce que vous visez ?
- Votre stabilité probable : est-ce que vous tiendrez plus de six mois sans partir en courant ?
Traduit sans filtre, la question devient :
- « Vous venez pour quoi, exactement : construire ou fuir ? »
- « Est-ce que ce poste est une étape logique ou un pansement ? »
- « Est-ce qu’on peut raisonnablement vous intégrer dans une trajectoire ici ? »
Vous n’êtes pas noté sur l’originalité de la réponse.
Vous êtes évalué sur le degré de cohérence interne qui se dégage de ce que vous dites.
3. Avant de répondre à « Pourquoi ce poste ? » : ce que vous voulez vraiment
On va poser le décor.
Vous ne « voulez » pas un poste.
Vous voulez ce que vous pensez qu’il va vous donner.
Très souvent, c’est l’un (ou plusieurs) des scénarios suivants.
3.1. La fuite organisée derrière « pourquoi ce poste »
Vous en avez assez de votre job actuel, de votre N+1, des réunions sans fin, de l’ambiance, du secteur… peu importe.
Vous êtes en mode : « Tout sauf ici. »
Le problème n’est pas de fuir. Parfois, c’est sain.
Le problème, c’est de :
- repeindre cette fuite en passion artificielle pour un autre job,
- accepter n’importe quoi de vaguement différent,
- et vous réveiller un an plus tard avec la même nausée, ailleurs.
Question utile :
« Qu’est-ce que je refuse désormais catégoriquement de retrouver dans mon prochain poste ? »
La réponse à cette seule question peut éliminer la moitié des offres « à peu près compatibles ».
3.2. La quête de validation déguisée en réponse à « pourquoi ce poste »
Vous n’êtes pas tant en recherche d’un poste que d’un oui.
Un oui qui réparerait les refus précédents, les doutes, les comparaisons permanentes.
Symptômes classiques :
- les refus vous font l’effet d’un verdict existentiel,
- chaque entretien devient un référendum sur votre valeur,
- vous gonflez ou minimisez tout votre parcours en fonction des réactions.
Dans cet état-là, vous ne choisissez plus un poste.
Vous sélectionnez la première source potentielle de reconnaissance.
Question désagréable mais éclairante :
« Si j’étais déjà convaincu de ma valeur professionnelle, est-ce que je viserais vraiment ce poste-là ? »
Si la réponse est non, c’est que le poste est un prétexte.
Ce qu’on vous vend, c’est une promesse de réparation narcissique.
3.3. La réparation biographique : quand « pourquoi ce poste » devient un totem
Autre variante : ce boulot doit prouver quelque chose.
- Que vous avez “rattrapé” un échec d’étude.
- Que vous n’êtes pas resté au niveau qu’on vous avait prédit.
- Que la reconversion n’était pas une erreur.
- Que vous n’avez pas “gâché” votre potentiel.
Le poste devient un totem.
Là aussi, aucun travail réel ne pourra tenir la charge symbolique qu’on lui met sur le dos.
Question pertinente :
« Qu’est-ce que ce poste est censé effacer ou contredire dans mon histoire ? »
Ce que vous attendez de lui n’est sans doute pas négociable dans une fiche de poste. C’est à repérer pour ne pas embarquer quelqu’un d’autre dans cette logique sans le dire.
3.4. « Pourquoi ce poste ? » ou la vie par procuration sociale
Vous voulez le poste… ou vous voulez l’annonce du poste ?
C’est subtil. Vous désirez :
- le titre sur LinkedIn,
- la réaction des proches,
- le sentiment d’alignement avec ce que “les gens de votre âge / niveau / école” sont censés faire.
Le jour où vous imaginez le travail sans la mise en scène sociale, l’envie retombe.
Question tranchante :
« Si personne ne connaissait jamais mon intitulé de poste ni mon entreprise, est-ce que ce travail m’intéresserait encore ? »
Si non, vous ne cherchez pas un poste : vous cherchez une narration statutaire.
4. Clarifier vos attentes avant de construire votre réponse à « Pourquoi ce poste ? »
Quand la question « Pourquoi ce poste ? » se mélange à la peur d’aborder vos zones de fragilité, il peut être utile de savoir comment parler de vos faiblesses en entretien sans vous tirer une balle dans le pied.
Avant de bricoler une réponse de surface, il faut clarifier un minimum votre géométrie intérieure. Ce n’est pas de la thérapie, c’est de l’hygiène décisionnelle.
Prenez un quart d’heure et répondez, sans enjoliver, à ces questions :
- Qu’est-ce que je ne veux plus ?
Concrètement, pas juste « un mauvais management », mais :- pas de réunions 6h par jour,
- pas de reporting quotidien à rallonge,
- pas de disponibilité le soir et le week-end comme norme tacite,
- pas de culture du mail agressif, etc.
-
Ce que je veux vivre au quotidien.
Pas en général, mais en termes d’activités :- produire, analyser, vendre, coordonner, concevoir, enseigner, décider… à quelle dose ?
- être en frontal client, en back-office, sur le terrain, chez soi, en équipe restreinte, dans une grosse machine ?
-
Ce que ce poste-là rend possible de différent.
Très clairement :- sur les missions (plus / moins de X),
- sur le cadre (taille d’équipe, style de gestion, secteur),
- sur les apprentissages réels (pas les buzzwords de l’annonce).
Si, après cet exercice, vous n’arrivez pas à formuler un lien clair entre ce que vous voulez et ce que propose l’offre, vous n’êtes pas obligé d’annuler l’entretien.
Mais vous savez que vous jouez en terrain flou.
5. Transformer vos raisons en réponse crédible à « Pourquoi ce poste ? »
À partir du moment où vous avez un peu nettoyé vos raisons, vous pouvez revenir à la structure pro, sans vous trahir.
Gardez les quatre briques en tête :
- Votre trajectoire :
Courte, ciblée, lisible.
- Votre intention actuelle :
Ce que vous cherchez à changer ou à approfondir.
- La rencontre avec le poste :
En quoi ce rôle est un endroit crédible pour ce mouvement.
- Votre projection sobre :
Ce que vous vous imaginez construire ici.
Ce que vous devez éviter :
-
Réciter leurs valeurs :
« Innovation, excellence, humain » : ça figure sur 90 % des sites carrières. Intéressez-vous plutôt à leurs problèmes concrets et où vous vous situez là-dedans. -
Parler uniquement en “je veux” :
« Je veux apprendre, évoluer, être formé, monter en compétence. »
Très bien. Mais la question implicite reste :« Et pour nous, là-dedans, il se passe quoi ? »
-
Régler vos comptes en direct
Vous avez le droit de fuir un environnement nocif.
Mais l’entretien n’est pas un débriefing de votre psy. Orientez la formulation vers ce que vous cherchez désormais. -
Surjouer le rôle du candidat parfait
Le masque finit toujours par glisser quelque part : ton, contradictions, incohérences. Mieux vaut assumer une zone de fragilité en la cadrant que prétendre être l’arme absolue.
6. Exemples de bonnes réponses à la question « Pourquoi ce poste ? »
Ce sont des structures. Si vous les copiez mot à mot, vous perdrez tout ce qui fait leur intérêt.
6.1. Cas n°1 – Vous quittez un environnement toxique
« Jusqu’ici, j’ai évolué dans des structures assez lourdes, très hiérarchisées.
Ça m’a appris à gérer la pression et les imprévus, mais j’en ai atteint les limites en termes de marge de manœuvre.
Aujourd’hui, je cherche un environnement plus direct, où je peux être en lien avec les équipes opérationnelles et où la coopération compte.
Ce poste m’intéresse parce qu’il est au croisement de [X missions] et [Y interlocuteurs], dans une équipe à taille humaine.
Je me vois apporter mon expérience des contextes exigeants, tout en construisant une manière de travailler plus fluide et plus saine sur le long terme. »
On comprend ce que vous quittez,
et surtout ce vers quoi vous voulez aller.
6.2. Cas n°2 – Virage de secteur ou de métier
« J’ai passé cinq ans dans [secteur X], où j’ai développé [compétences A, B, C].
Ce que j’ai le plus apprécié, c’est [ex : résoudre des problèmes clients complexes / piloter des projets multi-interlocuteurs], mais j’en ai fait le tour dans ce contexte.
Aujourd’hui, je veux transférer ces compétences dans un environnement où [élément différent : plus de contact final avec l’utilisateur, impact plus visible, cycle de décision plus court…].
Le poste que vous proposez m’intéresse parce qu’il combine [compétence transférable] avec [nouvelle dimension à développer], dans un secteur qui répond à ces critères.
À moyen terme, je me vois monter en responsabilité sur [périmètre cohérent avec le poste], en gardant cette double lecture : ce que j’apporte de mon ancien secteur, et ce que j’apprends ici. »
Vous ne reniez rien. Vous articulez le lien.
6.3. Cas n°3 – Trou dans le CV ou pause
« J’ai eu une période de pause professionnelle ces dernières années, durant laquelle je me suis consacré à [formation, projet, situation personnelle, sans entrer dans les détails intimes].
Ça m’a permis de clarifier deux choses : le type d’environnement dans lequel je veux travailler, et les compétences que je souhaite mobiliser au quotidien.
Concrètement, je cherche aujourd’hui un poste où [2–3 critères précis : taille d’équipe, niveau d’autonomie, type de missions].
Ce qui m’a intéressé dans votre offre, c’est [élément 1, 2, 3 qui répondent réellement à ces critères].
Je suis prêt à me réinvestir pleinement, avec une vraie envie de stabilité et de progression sur le long terme. »
Vous ne demandez pas pardon. Vous explicitez une trajectoire.
6.4. Cas n°4 – Début de carrière
« Je sors de [formation], où j’ai eu l’occasion de travailler sur [projets / stages].
Ce qui ressort de ces expériences, c’est que je prends particulièrement plaisir à [activité concrète : analyser des données, concevoir des contenus, résoudre des problèmes clients, etc.].
Pour mon premier poste, je cherche un environnement où je peux consolider ces compétences sur le terrain, avec un encadrement présent mais responsabilisant.
Votre offre m’intéresse parce qu’elle place un junior directement sur [type de mission responsabilisante], tout en étant intégré dans une équipe de [taille, fonctionnement] où je peux apprendre au contact de profils plus seniors.
À court terme, mon objectif est de devenir pleinement autonome sur [périmètre raisonnable], puis d’élargir progressivement ce champ. »
Pas besoin de vous inventer une “passion depuis toujours” pour un métier découvert l’an dernier.
7. « Pourquoi ce poste ? » : ce que votre réponse dit de la vie que vous choisissez
Si vous êtes arrivé jusqu’ici, ce n’est plus seulement pour « bien répondre en entretien ».
Vous avez probablement senti autre chose :
Chaque candidature est une micro-hypothèse de vie.
Vous envoyez un CV comme on envoie une version possible de soi dans le futur.
Et vous attendez qu’une boîte vous renvoie : « Oui, celle-là est plausible. »
Tant que vous n’avez pas clarifié ce que vous voulez vraiment vivre — dans vos journées, dans votre corps, dans votre tête —, vous déléguez votre trajectoire à des algos de tri et à des recruteurs pressés.
Répondre à « Pourquoi ce poste ? » n’est donc pas uniquement un exercice rhétorique.
C’est un entraînement plus exigeant :
- à ne plus confondre besoin d’argent avec désir de travail,
- à distinguer la fuite nécessaire du simple réflexe de saturation,
- à remettre à leur place la validation sociale et la réparation symbolique.
Le recruteur ne vous demandera jamais frontalement :
« Pourquoi cette vie-là, à cet endroit-là, maintenant ? »
Mais si vous ne vous la posez pas vous-même, vous allez enchaîner des « oui » qui ne vous engagent à rien d’autre qu’à recommencer la même conversation deux ans plus tard.
Conclusion
- ce que vous quittez,
- ce que vous visez,
- ce que ce poste rend réellement possible entre les deux.


